Les responsables d'ensembles et d'orchestres d'élèves: qui sont-ils?
par Henri-Claude Fantapié
1. Les trois degrés de la musique pour ensemble orchestral dans les écoles de musique.
On peut définir un ensemble de type orchestral en fonction de sa composition et de son rapport avec les formations types traditionnelles dont la dénomination ou la constitution est voisine (orchestre symphonique, (philharmonique), de chambre, à cordes, d'harmonie, baroque, à géométrie variable, etc.). L'orchestre se différencie surtout des autres ensembles instrumentaux par sa composition : un groupe d'instrumentistes qui est le plus souvent dirigé par ce qu'on appelle communément un chef d'orchestre. Il est également possible de différencier les ensembles orchestraux de ceux de musique de chambre par leur composition : les seconds sont uniquement composés de parties instrumentales solistes (dans le sens de non doublées et qui dépassent rarement la dizaine de participants), tandis que celles des formations orchestrales le sont pour certains pupitres précis (même si certains ensembles de solistes peuvent - en raison de la difficulté de l'œuvre, de caractéristiques inhabituelles ou du nombre important de pupitres - nécessiter la présence d'un chef d'orchestre.)
S'agissant des écoles de musique, les différents types de formations orchestrales qu'on y trouve sont caractérisées par le niveau moyen et le nombre de leurs participants ainsi que par leur composition instrumentale et orchestrale. Comme l'examen de ces formations n'est pas notre sujet d'aujourd'hui, je me contenterai de les citer sans m'étendre sur le détail :
- les ateliers de classe qui réunissent des instruments de même famille, voire des instruments identiques qui travaillent généralement avec leur professeur. Ce genre s'adresse principalement à des élèves de petits niveaux, parfois dès la première année d'instrument. Leur répertoire appartient principalement au domaine de la pédagogie instrumentale et leur ambition musicale est limitée par les moyens techniques et musicaux des participants. Le travail consiste surtout à leur permettre de se situer les uns par rapport aux autres, de s'intégrer dans le groupe et d'acquérir au sein de celui-ci une triple discipline, auditive, rythmique et musicale. En France ces ensembles correspondent au cycle probatoire et à tout ou partie du premier cycle.
- les ensembles de commençants qui sont parfois appelés dans certains pays « juniors », mélangent des instruments différents (de même famille ou de familles différentes) avec des compositions instrumentales parfois hétéroclites, en fonction du recrutement. Leur répertoire est souvent composé de transcriptions (modification de l'instrumentation originale ou écriture avec parties non caractérisées, l'écriture évitant les difficultés techniques) ou d'œuvres originales spécifiquement écrites pour eux. En France, ils correspondent théoriquement aux élèves du deuxième cycle.
- les orchestres qui peuvent être symphoniques, à cordes, d'harmonie, de cuivres et qui reproduisent avec la plus grande fidélité possible la composition de la formation type correspondante et dont le répertoire est, dans la limite du possible, original et respecté dans sa composition instrumentale et sa difficulté. En France, ils correspondent au 3ème cycle ou aux formations d'amateurs.
La personne chargée de conduire ces ensembles sera, selon les cas, soit un chef d'orchestre dans l'acception traditionnelle du terme, soit un animateur d'orchestre qui dirige de son pupitre voire se contente d'indications succinctes le jour du concert mais dont l'essentiel du travail se passe, dans les deux cas, lors de la période préparatoire (répétitions).
Ce sont ces personnages qui nous intéressent aujourd'hui. Qui sont-ils ? Quelle est leur formation ? Quelles doivent être leurs connaissances, leurs capacités ? Quels buts doivent-ils tenter d'atteindre ?
2. Les connaissances.
Vouloir établir la liste des qualités et des connaissances nécessaires pour un responsable d'ensemble orchestral consiste à transposer la liste correspondante exigée d'un chef d'orchestre professionnel. Avec toutefois des nuances et des graduations importantes qui peuvent considérablement modifier le profil exigé.
Commençons donc par la liste des qualités et connaissances globalement exigées et sans hiérarchie (mais en les séparant en catégories distinctes) :
· Les qualités
Elles sont avant tout musicales, je ne les détaillerai pas ici car la majorité d'entre elles restent personnelles. Elles sont plus perfectionnables que réellement acquises (audition, style, etc.) et restent indissolublement liées aux qualités nécessaires à leur mise en valeur, de psychologie, de communication, de rapidité et de justesse de réaction.
· Les connaissances
* Connaissance du solfège, de la théorie, de l'harmonie ;
* Connaissance des techniques du jeu instrumental, de l'instrumentation, de l'orchestration.
* Connaissances en analyse, analyse musicale et méthodologie.
· travail de la partition.
· préparation de la « sonorisation » () de la partition,
· préparation pratique (organisation) de la répétition.
· La technique
* Techniques de travail :
· animation de groupe ;
· psychologie/justice ;
· didactisme/pédagogie ;
· gestion du temps de travail ;
· communication (accord entre le geste, la parole, la mimique et la musique) ;
· délégation des responsabilités, gestion de la fonction d'assistant.
* Gestique :
· comprendre la nécessité du geste,
· connaître le langage du geste (la symbolique et la signification)
· maîtriser son corps, ses mouvements et ses gestes.
· Les finalités
* Les buts à atteindre :
· la répétition et le concert et leurs enrichissements respectifs, collectifs et individuels
- à court terme (la préparation d'un concert - le concert)
- à long terme (l'acquisition de méthodes, de réflexes, de connaissances, de maîtrises)
(et plus précisément : )
· la recherche de la qualité (musicale, instrumentale, mentale, collective)
· la formation des élèves (psychologique, mentale, technique, sociale, etc.)
· les synergies (convergence vers un but collectif commun, résultat global qui est supérieur à l'addition du total des qualités individuelles).
L'ensemble de ces critères, réunis chez une même personne, peut tendre à la définir comme omnisciente, ce qui est rarement le cas même chez les meilleurs enseignants ou chefs d'orchestre. Cela veut dire qu'il faudra, selon les besoins et les situations, définir les qualités primordiales que l'on exigera et celles qui pourront sembler secondaires. Cela signifie également que si l'éventail des responsables commence avec le professeur d'instrument pour aller jusqu'au chef d'orchestre, la gradation des caractères exigera que l'on fonctionne en véritable équipe pédagogique en recherchant une complémentarité des compétences.
Au fur et à mesure de la progression des niveaux, on va du spécialiste de l'instrument au généraliste de l'instrumental. Les qualités musicales et pédagogiques qu'on exige du responsable d'ensembles ou d'orchestres doivent-être adaptées au sujet (à son âge et à son niveau de connaissances) et doivent correspondrodre au but qu'on souhaite atteindre. Dans tous les cas les qualités mentales et psychologiques sont essentielles et identiques, parallèles aux qualités qui sont nécessaires à tout pédagogue, quelle que soit sa spécialisation
.
Comment aborder les différents types de formations.
3. L'approche de l'orchestre, les ateliers de classes.
Ces ateliers ne sauraient commencer assez tôt dans le cursus des études, leur but étant de préparer l'individu à son insertion et au travail dans le groupe, de le situer par rapport aux autres, de développer sa propre écoute par rapport à celle des autres, d'affiner son audition et ses réflexes.
A ce niveau l'acquisition des techniques de base de l'instrument est inséparable du travail en atelier, donc totalement complémentaire. C'est dire qu'il est plus que souhaitable que le professeur d'instrument et le responsable d'atelier soient une seule et même personne ; mêmes principes techniques, mêmes méthodes d'apprentissage et même langage, contact personnel inchangé, tout peut concourir à faire de ces deux périodes les deux volets complémentaires d'une activité unique.
Le professeur d'instrument, devenu l'animateur des ensembles qui travaillent dans les ateliers, doit entreprendre et poursuivre la recherche et l'établissement d'un langage gestuel clair et compréhensible. Ce langage gestuel, même rudimentaire, établira pour la première fois pour l'élève la liaison entre la partition écrite, le résultat sonore et collectif que l'enseignant souhaite obtenir, et leurs sensations propres communes. Cela signifie que l'enseignant doit déjà construire et utiliser un langage gestuel autonome qui petit à petit complète, renforce puis se substitue dans la limite du possible à la parole. La logique, la capacité d'efficacité expressive et la cohérence de ce langage sont d'autant plus importantes qu'elles engagent en partie l'avenir de la formation et de l'intérêt des élèves dans et pour cette activité.
Dans cette situation, le geste doit rester proche du geste musical ; clair, précis, ne craignant pas d'être redondant, il s'appuie avant tout sur la respiration, sur le phrasé, la nuance, le geste instrumental. C'est dire que si on n'a pas besoin d'une vraie et riche technique de chef d'orchestre, il est nécessaire d'éviter les hiatus et contresens possibles (tels que de grands gestes pour obtenir une nuance piano, des mouvements désordonnés du corps sans rapport avec la musique, des crispations alors que le phrasé est legato, etc.) . Il ne faut pas oublier que le geste du chef sans expérience est souvent une compensation à un manque sonore et à une crainte de l'échec. Dans ce cas il est regrettable d'habituer les jeunes musiciens à des gestes absurdes alors qu'il faudra bien, un jour en arriver à plus de logique, je veux dire à une meilleure technique de direction. Un grand geste, par exemple, n'a jamais été plus incitatif à un départ qu'un petit geste. Il n'est que le résultat d'une erreur ou d'une défaillance psychologique personnelle.
Objectifs de l'activité :
A ce niveau, les participants sont dans le cadre d'une extension de la classe d'instrument, en parallèle avec le cours plus spécifiquement consacré à l'acquisition des notions instrumentales et musicales de base.
L'atelier s'adresse à tous les participants de la classe instrumentale, quel que soit leur âge, le plus tôt possible dans le parcours de leur cursus. Il ne faut toutefois pas que l'atelier d'instrument devienne une succursale de la classe elle-même mais bien un lieu de complémentarité tourné vers l'expression musicale et la réalisation d'ensemble.
J'insiste tout particulièrement sur la nécessité de considérer qu'il s'agit d'un lieu d'acquisition (et de compréhension) d'une véritable discipline physique (tenue, fatigue, effort) et mentale (disponibilité, écoute, patience, participation, attention).
Sa destination est en particulier le développement musical et créatif de l'individu par le jeu instrumental en ensemble.
La réalisation publique doit être un des buts de l'activité, mais l'aspect pédagogique doit rester prioritaire et ne jamais être dévoyée par le côté exhibitionniste. Elle pourra se faire aussi bien dans le cadre d'audition de classe réservée aux seules familles que dans celui de la participation à des concerts publics avec un souci constant de fini, de qualité, de motivation et d'attention.
A ce niveau le fonctionnement reste relativement scolaire et un cours hebdomadaire permet de créer des habitudes régulières, même si l'organisation ponctuelle de stages musicaux de fin de semaine (3 fois par an par exemple) est très positive par les conditions particulières qui sont créées et favorisent, par la concentration de l'effort dans un véritable `bain' musical et orchestral, un épanouissement musical dont l'effet subsistera pendant plusieurs semaines.
Le lieu de travail sera de préférence une salle de cours de dimensions adéquates et à la sonorité plutôt claire.
Qualités exigées :
Les qualités principales demandées à l'animateur d'atelier de classe relèvent en priorité de la pédagogie et nécessitent une connaissance parfaite de la technique de base de l'instrument pratiqué. En effet, il convient de remarquer que, tout en recherchant un résultat musicalement satisfaisant (intonation, nuances, phrasé, articulations, ensemble) le temps passé à montrer et surveiller comment agir instrumentalement pour obtenir les résultats voulus constituera le principal de l'effort. La coordination entre les deux classes se doit d'être étroite, l'animateur de la classe agira souvent par l'exemple, le geste instrumental ayant ici une importance qui prime sur l'explication parlée et sur le geste du chef d'orchestre. En ce sens, le geste instrumental pourra être une préparation à la symbolique du geste de direction (respirations, départs, phrasé, nuance, etc.).
Profil du poste :
* Professeur d'instrument (de préférence dans le cadre d'une extension de sa classe, à défaut par un instrumen-tiste en collaboration avec le professeur principal) ;
* Motivation pour les disciplines d'ensemble ;
* Connaissances spécialisées en écriture (transcriptions, instrumentation sommaire), en audition (harmonie, polyphonie) et en lecture (partitions à portées multiples) ;
* Formation à la pédagogie de groupe ;
* Habitude de l'animation d'ensembles et de leur direction / formation pédagogique spécialisée (que la direction ait lieu à partir du pupitre instrumental ou du pupitre de chef).
Répertoire :
Le matériau musical devra, dans la limite du possible emprunter au répertoire et à la musique contemporaine (commandes pédagogiques, compositeurs en résidence). La `qualité' musicale et pédagogique et l'adéquation au niveau de compétences instrumentales sont les deux critères principaux. Ex. Chorals de J. S. Bach, transcriptions de Bartòk, etc.
4. Les ensembles "junior"
Ils peuvent être homogènes (ensembles à cordes, de bois, de cuivres, de guitares, d'harmonie, etc.) ou mixtes (mélanges d'instruments de familles différentes). Ils s'adressent normalement à des participants qui sortent des ateliers de classes, donc qui possèdent déjà une formation minimale dans les activités d'ensemble. En France, ils sont principalement composés d'élèves de second cycle (ou niveaux préparatoires et élémentaires). Ils ont donc un bagage technique instrumental non négligeable qui leur permet d'aborder des œuvres originales du répertoire propre à l'ensemble dont ils font partie. Néanmoins cette indépendance reste encore fragile et le soutien d'un professeur-instrumentiste reste indispensable. Ainsi il est encore nécessaire que le responsable de l'ensemble soit spécialiste d'un des instruments principaux du groupe et qu'il ait une connaissance aussi approfondie que possible de la technique des autres composantes instrumentales. A un ensemble de cordes doit correspondre un instrumentiste à cordes, à un ensemble à vent un spécialiste des vents, à un orchestre symphonique, il est préférable que le spécialiste original (personnellement, un instrumentiste à cordes me semble préférable) ait au moins une connaissance théorique des autres instruments (pour les vents et les cuivres par exemple de l'accord, des notes justes ou fausses sur certains instruments, des ambitus exacts, des règles de transposition, des effets idiomatiques à chaque instrument, si possible des doigtés, etc.). A défaut il faudra prévoir l'intervention ponctuelle de spécialistes avec, par ordre de priorité, celle des autres professeurs d'instrument. Quelle que soit la solution choisie, le travail individuel des partitions pourra être fait par pupitre séparé, en collaboration avec lesdits autres professeurs. Ces derniers pourront même, à leur demande ou à celle du responsable de l'orchestre, intervenir ponctuellement au cours de répétitions d'ensemble. La notion d'équipe pédagogique prend ici tout son sens.
Objectifs de l'activité :
Hors des classes purement instrumentales mais en parallèle et coordonnées avec celles-ci, l'orchestre « junior » s'adresse à des participants qui, quel que soit leur âge et possédant un niveau compris approximativement entre le 1 er et le 3 è cycle instrumental des écoles de musique françaises, se réunissent pour une pratique musicale collective.
Le type de formation couvre tout l'éventail existant, du consort jusqu'à l'orchestre symphonique.
Son but va au delà de l'apprentissage théorique de la musique et pratique de l'instrument, même s'il permet aussi de mettre en pratique les acquis des classes de formation musicale et d'instrument. Ce qui signifie bien que l'on doit avant tout insister sur la qualité musicale du résultat et que la difficulté instrumentale doit généralement pouvoir être surmontée sans trop de difficultés (sauf quand le franchissement de l'écueil technique constitue un but en soi).
Le but est la réalisation en concert, même si le moyen qui est la répétition est tout aussi important (voire reste plus important encore) sur le plan de la formation musicale, sociale, individuelle et collective (dans ce cas la répétition servira à la formation des instrumentistes à une discipline d'ensemble à la fois souple (épanouissante) et rigoureuse (le collectif prime sur le particulier)).
Pour le répertoire, la création d'œuvres nouvelles (en présence du compositeur qui pourra intervenir pour expliquer son travail et ses exigences) est une nécessité tout comme l'approche des styles différents (pays, époques, genres musicaux, même si l'abord d'œuvres pré-baroques ou baroques engagera plus l'esprit que la lettre).
Le concert public revêt une plus grande importance qu'auparavant. Il ne s'agit plus d'un exercice d'école, mais d'un événement important dont il ne m'apparaît pas mauvais de conserver un certain caractère sacré (ce qui n'empêche nullement la participation ponctuelle à des réalisations publiques `différentes', à condition que le respect du travail fourni par les participants soit posé en règle absolue : par exemple, un concert de rue prévu comme tel sera toujours préférable à une quelconque `musique d'apéritif' ou `de table' !). Des stages ou pour le moins des périodes préparatoires aux concerts semblent indispensables afin de faciliter cohésion et concentration. A cette occasion la participation d'une équipe pédagogique spécialisée se fera dans le cadre du travail par pupitre ou par famille instrumentale.
Une répétition par semaine est un minimum indispensable, même si certains sont parfois obligés de remplacer cette formule par des stages (cas de certains orchestres intercommunaux ou départementaux). Le mieux, à ce niveau est de prévoir les deux.
Le lieu de travail sera préférablement une salle de répétition dédiée (ou un petit auditorium), dont les dimensions correspondent à l'effectif de l'ensemble et dont l'acoustique sera la plus favorable possible, plutôt claire, à l'espace le mieux défini possible et donc pas trop réverbérée.
L'orchestre sera disposé, non comme - par paresse - on le fait ordinairement aujourd'hui, mais en tenant compte de l'acoustique de la salle, de la quantité de musiciens par pupitre, du voisinage des solistes des pupitres de bois et de cuivres et du répertoire joué. Cette disposition restera généralement inchangée à moins que ne soit modifié un de ces paramètres ou que la partition à jouer ne l'exige.
Qualités exigées :
Si les qualités pédagogiques du responsable restent primordiales, nous nous trouvons dans une situation intermédiaire entre celle du professeur qui travaille dans l'atelier et celle du chef d'orchestre. La connaissance la plus large possible des instruments et de la musique doit être complétée par une expression gestuelle qui ne soit pas un frein à l'épanouissement musical des participants. C'est à dire que ceux-ci doivent trouver dans leur chef le même soutien et la même incitation qu'un musicien professionnel attend de son chef d'orchestre. La nervosité, le manque d'assurance du geste, sans parler de contresens évidents, sont par exemple des facteurs d'autant plus regrettables qu'ils sont facilement évitables. A propos du premier niveau, j'ai estimé que tant qu'à faire des gestes, autant valait les faire le mieux possible et préférablement, d'une manière non contradictoire avec celle qui sera plus tard la règle. Cette remarque est encore plus valable aujourd'hui que le geste de direction prend de plus en plus la place du geste instrumental.
Profil du poste :
* Professeur d'instrument, de préférence dans la famille puis dans la discipline la plus représentée dans l'en-semble.
* Connaissances pratiques et / ou théoriques des autres instruments de l'ensemble ;
* Connaissances stylistiques avec leurs implications sur les techniques de jeu instrumental (comme les différences entre un sf chez Mozart et Stravinsky, les différences de rapidité d'archet sur une même note chez Mozart et chez Brahms ou les différents types de détaché chez Beethoven, etc.) ;
* Très forte motivation pour les disciplines d'ensemble ;
* Connaissance des répertoires ;
* Connaissances spécialisées en écriture (transcriptions, instrumentation sommaire voire orchestration) et en lecture et en méthode de travail des partitions d'ensemble ;
* Formation approfondie à la gestique de la direction d'orchestre ;
* Formation à la psychologie des groupes, à leur animation et à leur direction.
Répertoire :
Les problèmes inhérents à ce type de formation font que seule une petite partie du répertoire est jouable dans son intégrité. Simplification, transcription de parties, à défauts d'instruments rares ou peu joués sont des contraintes par lesquelles il est quasi obligatoire que l'on passe. Même si le souci de la qualité du résultat doit primer, il ne faut pas craindre de retoucher les partitions. Il me semble préférable, à ce niveau de privilégier par exemple un à défaut tel que par exemple celui d'un saxophone à la place d'un cor plutôt que de faire appel à un professionnel pour tenir la partie manquante ou défaillante. L'unité des élèves et des niveaux sera respectée et cela permettra peut-être à un instrumentiste habituellement privé de pratique orchestrale, de se faire, même temporairement, une place et d'aborder un répertoire qu'il n'aurait jamais l'occasion de rencontrer (de l'importance, par exemple, des transcriptions de J. S. Bach, telles que celles qu'on peut rencontrer dans les classes d'instrument - le piano, la guitare, l'alto ou la contrebasse, voire le vibraphone ou la clarinette).
5. L'orchestre de 3e cycle
S'il peut prendre toutes les formes de composition possibles, se rattacher à un genre traditionnel ou contemporain, se spécialiser dans certains répertoires plutôt que dans d'autres, l'orchestre de 3e cycle joue un rôle charnière important pour les futurs professionnels qui peuvent y aborder le répertoire de leur futur métier. Il est donc bon, à mon avis, que sa conception soit ouverte (composition instrumentale sortant parfois du schéma traditionnel postromantique, répertoire très largement accueillant à tous les styles et toutes les époques. Il ne faut pas oublier que cette formation n'est pas, comme dans un ensemble professionnel, une fin en soi, mais un passage obligé et transitoire). Pour des musiciens amateurs c'est à la fois un aboutissement (voire un prolongement) des études et un lieu où réaliser et mettre en pratique les acquis instrumentaux et musicaux individuels. Selon les lieux, les politiques pédagogiques ou locales, les effectifs et les ambitions, il réunira donc amateurs et futurs professionnels et parfois même, bien que nous ne le conseillions pas trop, élèves et professionnels ou / et élèves et amateurs plus âgés (qui ne pratiquent plus leur instrument individuellement). Ces formules mixtes sont parfois le résultat historique d'une politique pré existante ou la nécessité de compléter une formation par des instruments absents dans les classes. Si nous ne les conseillons que modérément et dans les cas extrêmes, c'est parce que par expérience nous savons que l'homogénéité d'un tel orchestre est la clé de sa pérennité et de son fonctionnement journalier harmonieux et que cette pérennité passe par un ambitus restreint des âges, des niveaux et des finalités communes à la majorité des participants (par exemple à ceux qui se reconnaissent comme des élèves instrumentistes au delà d'une vocation future amateur / professionnelle qui ne joue d'ailleurs généralement pas dans les cas que nous avons rencontrés).
Objectifs de l'activité :
Il faut réaliser, en étant le plus proche possible de la volonté du compositeur et des exigences de la partition écrite, une œuvre musicale en la restituant dans toutes ses dimensions.
Le concert et sa préparation sont le but et les moyens mis en œuvre, si possible dans des conditions de travail et de réalisation finale les meilleures possibles (qualité des instruments, des locaux, de l'acoustique, de l'écoute publique, du «confort» des musiciens).
Alors que le travail s'accomplissait auparavant avec des méthodes et dans un cadre plutôt scolaires (régularité des cours, etc.) le mode d'approche est ici plus varié, certains chefs souhaitent des répétitions régulières (hebdomadaires) complétées par des stages de fins de semaines et / ou des stages longs pendant les vacances scolaires tandis que les autres choisissent de regrouper le travail en périodes ramassées et intensives (par exemple des répétitions journalières sur deux semaines, et des stages de vacances). Sans négliger les particularismes locaux (les membres de l'orchestre appartiennent à une seule et même école ou les orchestres sont composés d'élèves d'origines géographiques diverses), les deux méthodes arrivent à produire des résultats presque sensiblement équivalents, les avantages et les inconvénients des deux formules s'équilibrent, même si ma préférence va vers une combinaison entre la répétition hebdomadaire, des stages de fin de semaine (de pupitre, de famille instrumentale et / ou d'ensemble) et l'organisation régulière de stages de vacances et /ou de tournées longues (6 à 14 jours).
Qualités exigées :
Un chef d'orchestre ayant de solides connaissances de ce qui est possible ou non, réalisable ou trop difficile pour des instrumentistes à un niveau donné de leur formation.
La connaissance des techniques instrumentales est très souhaitable mais pas forcément indispensable ; par contre celle des idiomatisme des styles des lieux et époques différents est indispensable si on veut éviter de jouer Vivaldi et Stravinsky de la même manière (c'est pourtant ce que font la plupart des chefs professionnels de renom, mais ceux-ci doivent privilégier une "image de marque" un "son personnel", reconnaissable quelle que soit l'oeuvre jouée, ce qui n'est pas le but des pédagogues...)
C'est une erreur commune de croire qu'un jeune chef d'orchestre pourrait convenir. En aucun cas, ce dernier ne peut être là pour apprendre avec l'orchestre. Bien au contraire, si les musiciens de tels ensembles apprécient le contact avec un chef qui compense son inexpérience par un enthousiasme juvénile , ils apprécient plus encore la présence d'un chef expérimenté susceptible de leur apprendre et de les comprendre plus et mieux. Par expérience, je sais que les chefs d'orchestre qualifiés et riches d'une expérience professionnelle importante sont préférés à la fois aux jeunes chefs d'orchestre et même aux très bons pédagogues de l'instrument. Si certains continuent encore de voir en ces derniers un prolongement des professeurs d'instrument, c'est avec le chef d'orchestre qu'ils collaborent le plus pleinement et ils savent faire la différence entre les apports de ces deux entités distinctes. Inversement, le chef d'orchestre habitué à travailler avec des musiciens professionnels devra adapter son langage et surtout son rythme de travail à l'âge et au niveau des musiciens à qui il s'adresse. Tout pédagogue n'est pas forcément un bon chef d'orchestre, mais tout bon chef d'orchestre posséde des qualités pédagogiques.
Profil du poste :
* Formation de chef d'orchestre nécessaire :
· technique (gestique - musicale)
· mentale (aptitude à la direction des groupes - psychologie) ;
* Connaissance mais surtout expérience du répertoire abordé. L'activité passée ou parallèle du chef a une grande importance ;
* Connaissance indispensable des différences de direction, d'attitude, d'exigence, de pédagogie, de langage, etc. entre un orchestre de jeunes et un orchestre professionnel ;
* Connaissance pratique des styles et de leurs idiomatismes, autant que possible de toutes les époques et de toutes les écoles nationales ;
* Connaissance des instruments aussi approfondie que possible ;
* Charisme.
Répertoire :
On puisera dans tout le répertoire de toutes les époques. Un répertoire plus large en tout cas que celui, hyper spécialisé et soumis aux modes de l'instant du domaine professionnel ; pourquoi, sous prétexte de purisme excessif, priver les orchestres de jeunes de jouer Vivaldi ou Bach avec leurs instruments d'étude ? La notion si controversée de "goût musical" doit certes primer, mais celle de variété des choix d'œuvres musicales d'époques et de styles différents me paraît encore plus importante. Si certains jeunes restent en moyenne 3 à 4 ans dans un orchestre de ce type, ils doivent avoir le temps d'y travailler 9 à 12 programmes différents de concerts, donc d'aborder de 40 à 50 ouvrages différents. Le cycle de ces ouvrages mérite donc réflexion et la mission formatrice de ces orchestre joue dans sa programmation même.
Certains des ouvrages les plus difficiles peuvent être seulement abordés en répétition sans que la finalité du concert ne vienne perturber un travail de fond. Le mélange des professionnels (notamment des professeurs et des assistants) et des élèves peut lui aussi être important pour ces derniers mais ici aussi il me semble plus essentiel au cours des répétitions que pour les concerts. Ceux-ci sont plus enrichissants si la responsabilité du travail bien conduit est laissée aux seuls élèves. Même (ou surtout ? ) si cela consiste à prendre, en toute conscience, certains risques.
Dans tous les cas, la préparation et l'organisation des concerts se doivent d'être réalisées dans les conditions psychologiques et matérielles les plus enrichissantes et gratifiantes pour les jeunes musiciens. La mise en valeur de leur travail est - quel que soit le type de concert et son lieu - un objectif essentiel. Par exemple, rien ne sert de travailler de façon exigeante la justesse de l'ensemble si les concerts se déroulent dans des conditions de bruit (de chaleur, d'humidité, de réverbération du son, etc.) qui ne permettent plus aucun contrôle de celle-ci. Le respect du travail accompli est aussi important qu'une décision de justice.
Le mode de travail pose les mêmes problèmes que ceux que nous évoquions à propos des orchestres junior. Par contre, plus encore que pour les ensembles de niveaux plus faibles, le lieu de répétition joue un rôle important dans le résultat, dans la qualité sonore, la justesse d'ensemble, la cohésion sonore et rythmique, l'entente entre les pupitres. Ce lieu doit toujours être le même, de préférence la salle habituellement dédiée aux concerts, au moins, une salle acoustiquement proche. Je n'insisterai pas sur la nécessité de la qualité sonore et de l'équipement du lieu de travail, ceux-ci ne dépendant (malheureusement) généralement pas uniquement du bon vouloir des acteurs...
(En guise de) CONCLUSION
De ce qui précède il est loisible de constater que l'évolution de l'atelier initial vers l'orchestre symphonique doit se passer de manière progressive, que les ensembles, au fur et à mesure de cette avancée, vont passer entre des mains différentes et qu'il faut donc éviter les contradictions. Si le responsable d'atelier n'a pas besoin de posséder une technique gestuelle parfaite, il est préférable que son geste s'inscrive dans une trajectoire logique. Donc qu'il consacre un certain temps à l'acquisition d'une gestique de base qui fera que le musicien de l'ensemble progressera sans que les changements de niveaux et d'enseignants ne se produisent par des paliers qui l'obligeraient, à chaque niveau, à repartir à zéro, en réapprenant complètement un nouveau langage gestuel. Le responsable de l'ensemble "junior" se trouvera lui à la charnière entre un instrumentiste qui aurait une qualification de chef d'orchestre et un chef d'orchestre qui aurait de multiples qualifications instrumentales. Quant au responsable de l'orchestre de 3è cycle, il s'agit bel et bien d'un véritable chef d'orchestre.
La cohérence du système reposera donc sur une adéquation entre les trois personnages eux-mêmes possesseurs de qualités et d'acquis nécessaires au rôle qu'ils doivent assumer.
Si on admet que la direction d'orchestre est une discipline qui s'appuie sur une certaine technique, celle-ci peut faire l'objet d'un apprentissage, lui-même modulable en fonction de la nécessité. Reste à définir les minima (les maxima n'étant pas pris en compte, ou plutôt étant souhaitables dans tous les cas) pour chacun des niveaux.
6. De la nécessité d'un cours spécifique de direction d'ensemble et d'orchestre d'élèves.
La formation des animateurs de classes d'orchestre sera à la fois théorique et pratique. Si on n'apprend pas réellement à devenir un chef d'orchestre, il est possible de s'initier à des principes de base essentiels de gestique et de compléter ses connaissances musicales théoriques par celles plus particulières qui servent au chef d'orchestre. On peut parallèlement enrichir l'éventail de connaissance des instruments (une chose qui peut être plus aisée pour un instrumentiste à cordes qui pourra s'initier à tout l'éventail des instruments de la famille mais qui deviendra plus délicate quand il voudra sortir de sa famille instrumentale d'origine).
La formation
Dans la liste des exigences que nous avons énumérées, il y en a de deux sortes :
· Celles qui sont le résultat d'une formation longue (notamment tout ce qui est relatif à l'apprentissage de la musique et à la relation pédagogique) et
· Celles qui peuvent être acquises par une formation ultérieure, spécialisée (comme la gestique du chef d'orchestre).
Cette brève étude n'ayant par de prétentions à l'exhaustivité et s'intéressant plus particulièrement à la notion de chef d'orchestre, c'est la deuxième catégorie qui nous concerne.
Au cours de notre introduction, nous énumérions les qualités exigées d'un chef d'orchestre puis les différences de formation des responsables de chacun des trois types d'ensembles concernés. Des trois, ceux qui ont le plus besoin d'une formation complémentaire de direction d'ensemble sont les deux premiers, d'ailleurs en général vierges de tout type de formation de direction au jour où ils se présentent pour la première fois devant un ensemble de jeunes musiciens. Ces derniers, eux-mêmes, ne savent pas ce qui les attendent et quel type de relation ils vont nouer avec ce nouveau type de professeur.
J'attire l'attention sur l'impression que les jeunes musiciens vont retirer de ce contact qui peut - tout comme les premiers cours d'instrument - avoir des suites plus ou moins lourdes de conséquences.
Il est bon qu'un responsable d'ensemble soit capable de savoir pourquoi il fait tel ou tel geste et comment obtenir tel ou tel résultat par le geste. Cette démarche qui est celle de tout pédagogue est notamment transposable à partir des méthodes d'apprentissage de l'instrument. Dans la direction d'orchestre, aucun geste ne doit être gratuit et tous doivent être perçus comme signifiants par les instrumentistes à qui ils s'adressent.
Il est parfaitement possible de définir une technique de base incluant tous les principaux gestes significatifs de la direction qui sont :
¨ l'espace expressif (l'ambitus du geste dans l'espace)
¨ le départ (sa place dans la mesure)
¨ la mesure (primaire - divisée - sub divisée - simplifiée)
¨ le tempo (la pulsation - sur pulsation - pulsation sous jacente)
¨ la nuance (l'amplitude du geste)
¨ le mode de jeu instrumental (legato - non legato - staccato et leurs variantes)
¨ le phrasé
¨ les indications particulières (départs, existence d'un hiatus entre une partie et l'ensemble)
¨ la répartition des tâches (bras droit / gauche / expression du visage / mouvements du corps)
et leurs utilisation dans le temps :
¨ crescendo - decrescendo
¨ accelerando - rallentando
¨ arrivée sur un point d'orgue - tenue - départ d'un point d'orgue
et la nécessité de choix et la conscience :
¨ de la battue en anticipation ou sur le temps
¨ du rapport entre l'entendu et la réaction du geste
¨ de diriger l'orchestre et non d'être conduit par lui / de ne pas le gêner
¨ de la sensation du dialogue constant orchestre / chef
¨ du tempo de base et de ses possibilités d'élasticité - maîtrise du rubato
et le choix des méthodes de travail
¨ l'analyse et l'apprentissage de la partition
¨ la préparation de la répétition
¨ la conduite de la répétition (dans le temps et à l'instant)
¨ la gestion du concert
et le choix des options techniques instrumentales et musicales
¨ le choix du tempo absolu (à la table) et relatif (dans la salle / avec les musiciens)
¨ la relation des tempi dans une symphonie - dans plusieurs oeuvres successives
¨ l'organisation du nuancier absolu et relatif
¨ les "trucs" (respirations musicales, mises en valeur de certains instruments et appuis sur certains pupitres pour le soutien et la ponctuation rythmique et musicale, rapports entre accéléré et ralenti et crescendo et decrescendo, analyse et gestion du phénomène "point d'orgue", les rythmes délicats et toujours erronés, les coups d'archet et les respirations, la sensation de l'efficacité du geste, etc.).
Bref, toutes choses qui peuvent s'apprendre ou se faire ressentir. Un travail qui combine la théorie (analyse, méthodologie), l'apprentissage et la sensation.
Je ferai une place à part à l'étude de la gestique qui, toujours en rapport avec l'expression musicale, pourra se travailler aussi bien en intériorisation musicale que, dans un second temps, avec des instruments.
Ce travail peut s'accomplir en un temps plus ou moins long selon les capacités physiques et musicales des uns ou des autres : dans le cadre de cours hebdomadaires, un an au minimum (vingt quatre cours) et trois à quatre au maximum. Dans le cas de stages il est évident que les programmes seront repensés et qu'un simple survol de nombreux points sera nécessaire. La meilleure solution restant celle d'une année de cours conclue par un stage intensif de réalisation d'une semaine.
Le travail en mémorisation est absolument nécessaire pour séparer le visuel du l'auditif. L'œil, plus fort que l'oreille peut aboutir à faire entendre ce qu'on lit et non pas ce qui est joué. Œil et oreille doivent être en contact direct avec les musiciens sans aucun intermédiaire (une situation que je ne conseille pas forcément pour le concert mais qui a fait ses preuves pour l'exercice). Ce n'est que lorsque la volonté musicale et expressive est totalement imaginée (que l'interprétation virtuelle est construite, maîtrisée et mémorisée) qu'on a le droit de prendre place face aux musiciens. Le travail s'effectuera bien entendu avec des `cobayes' en situation mais au départ il est conseillé de s'adresser à des musiciens du niveau le plus élevé, afin de se concentrer sur ses propres problèmes et de profiter des remarques de ces musiciens qui, bien que confirmés, sont encore plus sensibles que des instrumentistes de métier aux sollicitations du geste. Il naît ainsi un dialogue particulièrement intéressant et enrichissant pour les deux parties, les musiciens, accessoirement, ayant ainsi l'occasion de comprendre de l'intérieur ce qu'est le métier du chef d'orchestre et d'analyser ses sensations et ses réactions `instinctives' à tel ou tel geste.
Mais si je tenais a exposer ces quelques idées, le détail du travail n'est pas l'objet de ce bref aperçu ; il appartient au cours proprement dit.
Henri-Claude Fantapié.
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