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... CA VIENT DU FROID...extrait du numéro 82-85 de la revue BOREALES (nouvelles musicales 2000)
ET MAINTENANT… extrait du numéro 70/73 de la revue BOREALES (Les compositeurs finlandais de la jeune génération - en 1997)                             


 ... CA VIENT DU FROID...

NOUVELLES MUSICALES 2000

A PROPOS DES BALLETS SUEDOIS
Au cours du colloque organisé à l'Institut finlandais de Paris et dont il est question dans ce numéro, nous avons retenu deux très intéressantes communications dont l'une de Monsieur Anders Edling (Université d'Uppsala) concernait le compositeur Viking Dahl dont le ballet Maison de fous fit scandale lors de sa création à Paris aux Ballets suédois le 8 novembre 1920 et l'autre de Florence Poudru (CNSM. de Lyon) Les Ballets suédois eux-mêmes.
D'après le compositeur Alexandre Tansman, dans l'esprit de Jean Börlin, le chorégraphe danseur étoile de la troupe, il s'agissait de retrouver une atmosphère fantastique voire macabre qui n'était pas sans  évoquer le climat de certaines œuvres de Strindberg. Tansman précise que Börlin « indiqua au compositeur Viking Dahl la musique qu'il désirait, mais celui-ci ne put exprimer exactement tout ce qu'avait voulu l'inspirateur, ce qui ne fut pas sans influencer défavorablement la mise en scène définitive ».
Les critiques furent particulièrement sévères de la part des détracteurs des Ballets suédois qui, fidèles à la tradition générale des Ballets russes voire plus encore à celle de la danse académique ne comprirent pas le tournant pris par Börlin dans l'esthétique chorégraphique. Il est vrai que le sujet du ballet avait déjà tout pour surprendre : une jeune fille égarée dans un asile d'aliénés s'éprend de l'un d'eux. Il semblerait que - toujours d'après Tansman - Börlin se soit surtout attaché à la mise en valeur corporelle du rythme et que cette approche moderniste ait fait dire qu'il ne s'agissait plus d'un « ballet ».
Par une heureuse coïncidence, Musica suecia vient de faire paraître un CD qui comprend Maison de fous et un ballet du fenno-suédois Moses Pergament, Krelantems och Eldeling, écrit en France, primitivement conçu à la même époque pour les Ballets russes mais qui fut créé à Stockholm en 1928.
La musique de Dahl semble avoir particulièrement intéressé Maurice Ravel et Darius Milhaud, tous deux proches des Ballets suédois. A. Edling évoque même le désir de Ravel de confier Dahl à Kœchlin dans le but de perfectionner ses dons de créateur. Cela ne se fit malheureusement pas et Dahl, de retour en Suède tomba dans un anonymat que ce CD tente de rompre un peu tard pour lui !

L'héritage des Ballets suédois

Les conservatoires et écoles de musique de la Seine Saint-Denis se penchent actuellement sur le legs des Ballets suédois et l'année 2001 sera consacrée à faire revivre un certain nombre d'événements qui se déroulèrent il y a soixante ans. Un travail en profondeur sera effectué auprès des classes de danse qui débouchera sur des rencontres autour d'œuvres musicales et chorégraphiques adaptées pour la circonstance. Des réalisations semi-professionnelles auront lieu autour de la Jeune philharmonie de Seine Saint-Denis, de l'orchestre de chambre DIONYSOS et de chorégraphies originales qui feront revivre deux des ballets à scandale, les Mariés de la Tour Eiffel écrit par les compositeurs du Groupe des six (Poulenc, Auric, Honegger, Tailleferre, Durey et Milhaud) sur un texte de Jean Cocteau et La création du monde, le « ballet-nègre » de Darius Milhaud qui chorégraphiait un argument de Blaise Cendrars et avec des décors de Fernand Léger. Un hommage parallèle sera rendu à l'un des deux principaux chef d'orchestre de la troupe, Eugène Bigot, qui écrivit une musique de ballet plus traditionnelle intitulée Dansgille sur des thèmes populaires suédois et une autre, Le Roi galant sur des thèmes de chansons. Des films (Relâche), des conférences et une exposition devraient accompagner cette opération qui bénéficiera de l'appui du Musée de la Danse à Stockholm et probablement d'autres intervenants.

Noisy-le-Sec - Théâtre des Bergeries
Le Raincy - Centre culturel Thierry le Luron
juin 2001


A propos de chefs finlandais…

… il faut signaler que les soixante dix ans du chef d'orchestre Jorma Panula, ancien heureux professeur de direction d'orchestre à l'Académie Sibelius ont été fêtés avec solennité par un concert donné par quelques uns de ses anciens élèves aujourd'hui dispersés dans le monde, à Los Angeles, Birmingham, Toronto… Parmi eux, je retiendrai aujourd'hui Tuomas Ollila qui se distingue des autres par une approche très personnelle de l'œuvre de Sibelius. Né en 1965, il dirige actuellement l'orchestre de Tampere et le Tapiola sinfonietta. Un disque récent qui présente des pages mineures de Sibelius comme la Suite mignonne, la Suite champêtre, la Suite caractéristique et la Cassazione, se caractérise par une surprenante interprétation de la suite tirée de la musique de scène de Pelléas et Mélisande. L'interprétation en est - à l'inverse de toutes les traditions - totalement passionnée, engagée dans le moindre des détails et d'un lyrisme à fleur de peau qui renouvelle totalement la lecture d'une partition qui, pour ne pas être majeure, comporte des pages particulièrement prenantes. (Ondine ODE 952-2).

Anniversaires…

… restons en Finlande avec une année qui sera celle du centième anniversaire de la naissance du compositeur Uuno Klami. La musicologue Helena Tyrväinen qui avait contribué au succès du colloque de l'Institut finlandais sur les relations musicales entre le Nord de l'Europe et la France entre les deux guerres mondiales du XXe siècle a organisé une rencontre internationale autour de l'œuvre de ce compositeur quasiment inconnu en France mais qui est une des personnalités importantes de la première moitié du XXe siècle et dont les œuvres - souvent influencées par ses quasi-contemporains Igor Strawinsky et Maurice Ravel - ont pourtant été jouées par des chefs aussi  célèbres que Leopold Stokowski. Un autre compositeur a été à l'honneur, Erkki Melartin dont on a repris avec succès l'opéra Aino. Nous attendons maintenant les concerts prévus pour les soixante ans du compositeur Erkki Salmenhaara. A Paris, le quatuor Galatée aura interprété son quatuor à cordes en ré mineur à l'Institut finlandais le 13 octobre et la Jeune Philharmonie de Seine Saint-Denis s'apprête à donner la première mondiale d'une œuvre de 1971 : Les Illuminations pour orchestre, un ouvrage primé par l'Orchestre de la Ville d'Helsinki mais qui, inexplicablement, n'a pas encore été créé.

A propos d'opéras, toujours en Finlande…

… ce pays est vraiment le royaume de l'opéra. Rien que cette année seize opéras nouveaux y ont été créés, et ceci sans parler du succès rencontré au Festival de Salzbourg de l'été 2000 par la compositrice Kaija Saariaho dont L'amour de loin composé sur un livret en français d'Amin Maalouf a fait - chose rare pour une œuvre contemporaine - la presque
unanimité de la critique et du public. En Finlande l'événement était la création de Aika ja uni (le Temps des rêves) créé en juillet au Festival de Savonlinna opéra dû à la plume conjointe de trois compositeurs (Kalevi Aho, Olli Kortekangas et Hermann Rechberger, sur un livret de Paavo Rintala). L'alchimie ne semble pas avoir fonctionné et les critiques ont été médiocres tandis que le public n'a pas été enthousiasmé. Peut-être la présentation séparée de chacun des ouvrages permettra-t-elle de découvrir les raisons de cet échec. Les autres créations lyriques ont toutes constitué des événements particuliers. Au festival populaire en plein-air d'Ilmajoki, Ilkka Kuusisto a présenté les Filles de la Patrie, un ouvrage « patriotique » qui met en scène les « Lotta », les femmes qui servirent en auxiliaires dans l'armée finlandaise de la dernière guerre. Dans ce domaine des « opéras populaires » il faut signaler Isontaloon Antti de Atso Almila présenté le 14 juin à Ilmajoki qui parle de l'origine de l'hymne national, le Pêcheur, un ouvrage à sujet religieux sur Luther de Kari Tikka et Eero Erkkilä donné le 2 août à Lohtaja (en décembre 2000 à Helsinki) et le Maître-chanteur de Mars de Kimmo Hakola qui était représenté à Helsinki le 23 août. Plus spectaculaire encore, l'opéra relatant les exploits du coureur de fond Paavo Nurmi :  Paavo le grand (un « opéra-sportif » de Tuomas Kantelinen sur un livret de Paavo Haavikko !) était créé le 11 août au stade d'Helsinki. Arte a diffusé la première le 19 septembre. Il y eut encore des créations d'Atso Almila (Iloiset rouvat  à Seinäjoki le 22 septembre), de Harri Ahmas (Sydänvirrat à Kallio-Kuninkala) et d'Ari Vakkilainen (Le petit Chaperon-rouge, le 9 août à Suomenlinna). Que restera t'il de tout çà demain ?

Car l'événement le plus considérable et probablement destiné à une certaine postérité a été la création du sixième opéra d'Aulis Sallinen (né en 1935) Kuningas Lear (King Lear - le Roi Lear) le 14 septembre à l'Opéra national de Finlande. Le public des grands soirs était présent et a réservé un accueil
triomphal à l'opéra et à ses interprètes. Le style est avant tout dramatique, lyrique et l'écriture musicale est mélodique. La qualité de la présentation musicale et vocale a été exceptionnellement bonne surtout qu'elle est le résultat d'une véritable troupe permanente dont les premiers rôles sont tenus par des chanteurs de réputation internationale comme Matti Salminen (le Roi), Jorma Hynninen (Gloucester) ou Jorma Silvasti (Edmond) et que les autres personnages atteignent le même niveau de qualité artistique.

DISQUES REÇUS (ou achetés !)

KammarensembleN - Œuvres de Sten Mellin, Arne Mellnäs, Bo Nilsson, Reine Jönsson, Jan W. Morthenson, Christer Lindwall. PHONO SUECIA PSCD 120

Il se passe quelque chose de nouveau en Suède et l'abandon des contraintes post-sérielles se confirme avec une entrée remarquée des influences venues des États-Unis. En effet, si l'on excepte Contra de Jan W. Morthenson (né en 1940) et Sinik de Christer Lindwall, son élève, (né en 1950, œuvre composée en 1997), nous nous trouvons devant des ouvrages qui font beaucoup plus appel à une répétitivité sonore et rythmique et à un goût prononcé pour les brillances sonores qui ne sont pas sans rappeler John Adams ou Morton Feldman. Ainsi Keep the change de Sten Melin (né en 1957, œuvre de 1989), Totentanz de Ivo Nilsson (né en 1966, œuvre de 1994), Om att cycla de Reine Jönsson (né en 1960, œuvre de 1992) et même Endymion de Arne Melnäs (né en 1933, œuvre de 1993) généralisent elles cette nouvelle attitude.
Notons l'humour (involontaire ?) du texte de présentation, notamment pour l'œuvre de Sten Melin qui dit avoir écrit Keep the change, une œuvre particulièrement riche, imaginative et colorée, entre la naissance d'un nouveau-né prématuré  qu'on
a placé en incubation et les sonneries des cloches de l'Église du village… (contrairement à ce que fait Ondine en Finlande, regrettons une fois de plus l'absence de traduction française). Les interprétations du Kammar-ensembleN sont d'un très haut niveau sous la direction de B. Tommy Andersson et d'un nouveau chef finlandais qui pointe à l'horizon :  Hannu Koivula. Un disque incontournable.
Toujours de Suède, nous avons reçu du Centre d'information de la musique suédoise d'autres disques de compositeurs contemporains qui tranchent avec les livraisons passées et montrent de manière éclatante l'importance du retour vers la tonalité et imposent l'esthétique post-moderniste.  Parmi ceux-ci je retiendrai :

Werner Wolf Glaser (né en 1910) :  Linnea rezza. D'origine allemande, ancien élève de Paul Hindemith il appartient à cette génération de compositeurs juifs qui durent fuir le nazisme. C'est un compositeur prolifique aux 12 symphonies et 400 numéros d'opus. Les œuvres présentées vont de 1957 à 1979. Un style agréable, une musique qui coule un peu (trop) facilement et un léger manque de souffle ne devraient pas empêcher la diffusion de cette musique somme toute assez agréable à entendre et certainement à jouer.

Hans Eklund : Requiem. Les messes de requiem étant catholiques, elles sont évidemment inhabituelles sous cette forme dans les pays nordiques. D'autant que cette œuvre conserve le texte de la Messe. Une écriture volontairement simple avec de grands unissons des chœurs et une écriture souvent homophonique et homorythmique tandis que l'orchestre intervient pour lier et commenter le texte. L'œuvre devrait rencontrer un certain succès du fait de cette simplicité que l'on pourrait qualifier d'opératique.

Lars-Erik Rosell : In between. Comme Rautavaara, Rosell s'intéresse aux anges. Änglar, skapelsemakter oppose un chœur moyenâgeux écrit à un  orgue qui commente de manière quasi improvisée. Ses œuvres instrumentales très tonales, influencées par une certaine répétitivité, sont composées de pièces en général très brèves. Un Hommage à Terry Riley de 1970 montre bien l'origine de ces influences.

De Gunnar Valkare (né en 1943) Viaggio  présente un panorama d'œuvres écrites entre 1986 et 1997. Malgré quelques facilités c'est une musique vivante et chaleureuse qui est présentée, notamment dans l'œuvre qui a donné son titre au CD, avec sa rythmique et ses éclats qui font parfois penser au tango.

Si les amoureux des percussions pourront (peut-être) se régaler avec les exploits de Jonny Axelsson qui présente un panorama d'œuvres dédiées à son instrumentarium notamment par Karin Rehnqvist (Strömmar) et Kerstin Jeppsson (Prometheus) , le CD « My cup of tea » consacré aux œuvres de Sten Melin est parfaitement représentatif du trouble actuel des compositeurs nordiques en général et suédois en particulier. Beaucoup de styles voisinent dans cet intéressant panorama de celui qu'on connaissait ici surtout par son œuvre Keep the change. Outre l'aspect provocateur de sa musique, Melin cherche encore une voie originale pour exprimer des idées très riches qui s'imposent parfois de manière très convaincante en particulier dans son œuvre pour voix (Sömnlös Odysseus), dans les explosions d'une grande vitalité (la minute et vingt sept secondes de Ce n'est pas possible pour piano), dans la virtuosité de l'écriture (les deux minutes vingt sept des Variations Källarback pour quatuor de saxophones) ou dans les effets atmosphériques de hyssj pour flûte et guitare. Signalons que ce disque qui comporte également le chœur des Hooligans (un succédané des Hurleurs finlandais) est magnifié par la présence du chœur d'Eric Ericson (sur le très beau poème d'Edith Södergran Le pays qui n'existe pas).

En Finlande, dans un catalogue parfois hétéroclite, la maison Ondine poursuit ce qui semble être une intégrale de l'œuvre de Rautavaara (né en 1928) dont les anges musiciens semblent avoir envoûté le pianiste et chef d'orchestre Vladimir Ashkenazy qui a commandé et enregistré un concerto pour pianiste-chef et orchestre (Concerto pour piano 3 - Jardins d'automne - conversation ). Il n'y a rien de nouveau de ce côté, le compositeur continue d'exploiter un filon musical post-goreckien qui lui vaut un certain succès hors des frontières du pays et parmi les programmateurs radio notamment anglo-saxons, mais aussi en Allemagne et en France. Signalons un ébouriffant dialogue entre le compositeur et son interprète qui complète le disque et réunit tous les lieux communs d'une conversation de salon sans aucun intérêt (pour moi au moins). Penchons-nous plutôt sur un disque consacré à un compositeur méconnu en France :  Pehr-Henrik Nordgren (né en 1944) qui avec ses symphonies 4 et 5 livre des ouvrages expressivement forts. Tragique, sombre et violente, la troisième symphonie (1993) oppose un orchestre surdimensionné et un piano qui intervient en contraste pour deux « mouvements »  qui sont plutôt des interludes, sortes de commentaires entre l'action dramatique de l'ouvrage. La cinquième symphonie date de 1998 et s'inspire de l'esprit des itkuvirsia, les lamentations des pleureuses caréliennes. Mais point ici de « carélianisme », plutôt l'évocation archaïsante d'un autre monde, perdu. L'interprétation de l'orchestre de la Radio sous la direction du jeune chef Sakari Oramo est remarquable.  
A l'opposé de cette conception musicale, le programme  du dernier disque de Jukka Tiensuu déroutera par ses choix qui sont très éloignés des goûts esthétiques du compositeur-claveciniste. Donc d'autant plus passionnants, d'autant que le lot de miniatures qu'il présente est composé d'œuvres presque toutes inconnues. Un complément magnifique même si frivole à ses précédentes incursions discographiques.  En attendant peut-être un Clavecin XXX ! (Le clavecin frivole - Jukka Tiensuu ).
Mais l'événement reste par-dessus tout l'intégrale des symphonies de Sibelius par l'orchestre de chambre de l'Europe sous la direction de Paavo Berglund. Tant pis pour ceux qui ne l'auront pas entendu in vivo car le chef a annoncé qu'il ne dirigerait plus ces œuvres qui l'ont accompagné pendant toute sa carrière. Malgré des réussites incontestables de symphonies isolées qui ont commencé avec Beecham et Toscanini (la deuxième avec la BBC et la quatrième) et se sont poursuivies par des interprétations admirables de Monteux (toujours la deuxième) ou Maazel (la quatrième avec Vienne) plus récemment encore, Segerstam ne laisse pas indifférent. Mais voici enfin l'intégrale la plus enthousiasmante de bout en bout. C'est celle d'un chef qui a fait une carrière internationale discrète, dans le sens qu'il n'est jamais apparu comme une star, à la manière d'un Maazel ou d'un Barenboïm, ni comme un gourou capricieux. Il a longuement travaillé et enregistré plusieurs fois les symphonies de Sibelius et il nous livre une somme avec un orchestre qui se transcende sous sa baguette (4 CD Finlandia).

LIVRES

L'association Carl Nielsen et son animateur Jean-Luc Caron se sont intéressés à Alan Pettersson, Aulis Sallinen (n°19) et Jon Leifs (n°20) et lui ont consacré leurs parutions de 1997 - 98 et 99.

Le Secret du professeur Amfortas est une infidélité que le professeur Eero Tarasti du département de musicologie de l'Université d'Helsinki fait à sa discipline principale. C'est une enquête policière passionnante. (Notons à l'usage de l'éditeur que le livre n'est pas traduit du … finlandais, mais bien du finnois !).

Remarquablement vivant et documenté, Eugen de Suède, peintre et prince, d'Inga Zachau (traduction de Denise Bernard-Folliot) paraît aux éditions Michel de Maule.


COLLOQUES

Le plus important des colloques musicaux consacré au compositeur Uuno Klami s'est tenu à Helsinki les 15 et 16 septembre à l'Ateneum. Le centenaire de sa naissance a été l'occasion de festivités et l'organisation de nombreux concerts contribuera peut-être à sortir du purgatoire ce compositeur qui connut un grand succès national et international de son vivant. Le colloque organisé par l'Association Klami et en particulier par Mme Helena Tyrväinen assistée de Tarja Taurula bénéficia d'interventions notables de Louis Jambou (Paris IV - Sorbonne), Anders Edling (Uppsala), Edward Jurkowski (Université de Lethbridge - Canada) et fut l'occasion de la présentation d'un livre de Marjo Valkonen  et Kalevi Aho.
Reproduction autorisée avec la mention obligatoire
 Copyright Boréales et Henri-Claude Fantapié - 1997


 ET MAINTENANT…

FIN DE SiÈCLE OU NOUVEAU DÉPART ?

Par Henri-Claude Fantapié

La situation actuelle de la création musicale en Finlande n'est pas très éloignée de celle qu'on rencontre un peu partout ailleurs, même s'il faut tenir compte d'un contexte qui est plus favorable que dans beaucoup d'autres pays. L'éclatement des styles s'y fait sentir mais leur diversité n'avait jamais complètement disparu. Ce manque de sectarisme est à la fois une force mais aussi un inconvénient quand il permet des superpositions, des voisinages ou des volte-face stylistiques qui peuvent plus résulter d'une attitude opportuniste ou d'un manque de courage dans les prises de position que d'une volonté de synthèse ou de renouvellement. Les années 1980 représentent d'ailleurs une période de transition qui a tenté une fois de plus de radicaliser et d'internationaliser la vie musicale et la création.

« OUVREZ LES OREILLES ! », les enfants d'Heininen et de Rautavaara
L'année 1977 a vu naître un nouveau groupement d'interprètes et de compositeurs qui annonçait son programme sous forme d'avertissement « ouvrez les oreilles ! » (Korvat auki !). Il s'agissait moins de lancer une esthétique nouvelle que de réunir de jeunes musiciens d'une même génération qui cherchaient à s'affirmer dans un contexte particulièrement favorable. Économiquement et politiquement la Finlande bénéficiait alors d'une situation telle qu'elle n'en avait jamais connu de semblable dans son histoire. Les résultats d'un nouveau système d'éducation musicale basé sur une recherche de qualité s'avéraient particulièrement bons dans un monde qui pourtant s'américanisait de plus en plus et perdait ses valeurs traditionnelles pour subir l'influence des médias, des modes et du tout spectacle. Dans cette confrontation pourtant inégale la musique de qualité maintenait sa présence et affirmait sa vitalité, aidée par la radio, par les pouvoirs politiques et administratifs, par les villes et les associations et par des personnalités parmi lesquelles émergeait un animateur particulièrement dynamique, Risto Nieminen. A la Radio, à la Biennale d'Helsinki, puis à Paris à l'I.R.C.A.M. et enfin à partir de 1997 avec un Festival d'Helsinki un peu problématique, Nieminen défend avec intelligence et discernement ses contemporains sans rompre avec le passé. Il est vrai que la jeune génération le mérite. Elle est sérieuse, tout comme ses maîtres le lui a appris. Pour diffuser sa musique, elle va se prendre en charge et inventer ses organes de diffusion. Des ensembles comme Avanti !, formation à géométrie variable et Toimii, jouent un rôle de laboratoire tandis que de nouveaux événements et lieux de diffusion sont créés, principalement avec les Biennales d'Helsinki (1979), de Tampere (1986) et le festival d'été Time of Music de Viitasaari. Ils sont aidés par le système éducatif qui, au moment où presque partout on privilégie la musique-loisir, le supplément d'âme et on forme des analphabètes satisfaits, produit en une vingtaine d'année de remarquables musiciens d'orchestre et des solistes de valeur à l'esprit ouvert et curieux dans presque toutes les disciplines instrumentales. Ils vont commander des œuvres aux jeunes compositeurs et être à leur source et les défenseurs qui ont manqué à beaucoup des compositeurs des générations précédentes. Cette génération semble, du moins dans les années 1980, vouloir pénétrer le monde cosmopolite de l'avant-garde européenne et certains cherchent des éditeurs étrangers. On s'expatrie volontiers pour se confronter directement à un public sans concessions. Aujourd'hui, c'est une nouvelle génération qui se fraie un chemin parmi leurs aînés dont quelques uns - et non des moindres - éprouvent une certaine difficulté à trouver un second souffle.

Tiensuu Jukka 1948
Si l'on excepte la prééminence de Paavo Heininen, la personnalité qui prélude à ce mouvement est à cheval sur les deux générations. Compositeur, claveciniste, chef d'orchestre, pédagogue, Jukka Tiensuu est également un organisateur hors pair. Élève successivement d'Heininen, Klaus Huber et Brian Ferneyhough, il est le premier qui revient à Paris après Kuula, Launis, Klami et Madetoja. Mais il ne se contente pas d'y vivre, il travaille à l'I.R.C.A.M. Compositeur il défend une philosophie de l'intransigeance et du renouvellement perpétuel. Chaque œuvre doit résoudre un problème différent, créer une situation nouvelle. De là l'impossibilité de le classer. Imaginatif et rigoureux, Tiensuu ne peut naturellement pas bénéficier de cette attitude de non compromission auprès du grand public. Parmi ses œuvres les plus marquantes, M (1980) pour clavecin, cordes et percussions explore le monde des micro-intervalles, Sinistro (1977) et Aufschwung donnent des lettres de noblesse à l'accordéon un instrument que défend avec talent partout dans le monde Matti Rantanen, MXPZKL (1977) pour orchestre est une œuvre à la fois violente et raffinée. Les années 1980 marquent une évolution notable, Fantango (1984) pour clavecin et Tango lunaire (1985) pour orchestre de chambre, qui pourraient le rapprocher du grand public, sont suivis de Tokko (1987) pour chœur et bande magnétique qui est récompensé à la Tribune de l'UNESCO l'année suivante. Se renouvelant constamment, Tiensuu écrit des pièces pédagogiques remarquables, offre Manaus (1988) au kantélé et propose des innovations techniques et expressives à l'instrument millénaire. Puro (1989) suivi par Vento (1995) tous deux pour clarinette et orchestre, Plus V (1994) pour accordéon et cordes, Lume (1991) et Halo (1994) pour orchestre présentent un compositeur toujours concentré vers l'essentiel tout comme Rubato (1996) pour petit ensemble. Confiant dans la qualité des auditeurs il a toujours refusé, contrairement à la majorité de ses contemporains, de commenter son œuvre. Faisons donc de même.
Pris par ses activités multiples, il se fait malheureusement plus rare à Paris même si on l'a retrouvé avec joie cette saison, le 2 octobre à l'I.R.C.A.M. pour la création d'une œuvre pour ensemble orchestral et bande magnétique très brillante et construite, nemo (1997), pièce lumineuse et colorée, rythmiquement contrastée dans laquelle un jeu dialogué alterne avec des épisodes plus massifs. 1998 devrait le voir revenir.

LES VOYAGEURS
A l'instar de Jukka Tiensuu, les plus fortes personnalités de la jeune génération sont allées chercher une reconnaissance à l'étranger dès le début des années 1980. Quinze ans plus tard, seule Kaija Saariaho, mariée en France, n'est pas retournée vivre en Finlande. Avec elle Magnus Lindberg, un temps Parisien, maintient avec l'IRCAM des liens étroits tandis qu'Esa-Pekka Salonen privilégie une brillante carrière internationale de chef d'orchestre et qu'Aulis Sallinen éprouve le besoin d'une retraite provençale une partie de l'année.

Saariaho Kaija 1952
Kaija Saariaho a suivi le parcours à la mode chez les jeunes compositeurs finlandais dans ses années d'études, elle a travaillé avec Heininen, Huber et Ferneyhough. Fixée à Paris, elle travaille à l'IRCAM et ses œuvres apparaissent dans une continuité dominée en particulier par le goût du détail, une grande sensibilité et imagination sonore et l'usage de techniques de composition avancées. Après des ouvrages de jeunesse remarqués à leur époque (…sah den Vögeln - 1981 - Laconisme de l'aile et Vers le blanc - 1982), elle s'affirme avec Verblendungen (1984) pour orchestre et bande magnétique qui développe une technique de champs sonores particulièrement maîtrisée, raffinée, où le développement des spectres et des micro rythmes crée une atmosphère statique et rêveuse. Techniquement, elle définit sa démarche d'écriture qui place le timbre au centre de ses préoccupations. Ce qu'elle appelle « l'axe timbral » lie le matériau à la forme et l'ordinateur lui permet d'explorer toutes les possibilités du timbre et de le projeter dans le temps. . Cette atmosphère, confrontée à des éclats brusques se retrouve dans Nymphéa (1987) pour quatuor à cordes et électronique. Plusieurs œuvres majeures marquent cette époque riche en créations comme Jardin secret I pour bande (1985), II pour clavecin et bande (1986), Petals pour violoncelle (1988, pour Anssi Karttunen). Mais c'est surtout l'époque où Saariaho écrit Lichtbogen (1986) pour neuf musiciens (commande du Centre Pompidou) qui fait appel à une modélisation par ordinateur particulièrement poussée, Io (1986-87) pour ensemble et bande qui s'attache à modifier le timbre, Stilleben (1988 - Prix Italia) pièce radiophonique sous-titrée « nature morte » qui annonce le futur ballet de Carolyn Carlson Maa (1991). C'est ensuite Du cristal… à la fumée (199O) deux pièces (la seconde avec flûte alto et violoncelle solistes) et orchestre symphonique suivies d'Amers (1993) pour violoncelle et ensemble qui marquent un renouvellement de l'écriture et une expression plus extravertie. En 1995, Château de l'âme pour groupe vocal et orchestre a été particulièrement bien accueilli au Festival de Salzbourg qui lui a commandé un opéra pour l'an 2001.

Lindberg Magnus 1958
Face à l'intimisme, au monde introverti et à l'imaginaire flamboyant de Saariaho, la vitalité de Magnus Lindberg explose avec la violence, l'éclat et la rapidité d'un bouquet de feu d'artifice. Élève de Rautavaara puis d'Heininen, il effectue des stages avec Ferneyhough puis avec Grisey et Globokar à Paris. Lindberg a su prendre ce qu'il fallait à chacun de ses maîtres. Il y a du constructivisme dans sa technique de composition qui part d'une rigueur toute postsérielle, mais cette sécheresse brillante apparente se brise dès que Lindberg laisse parler ses qualités expressives. Ce fut le quintette pour piano et cordes …de Tartufe, je crois (1981) qui attira l'attention sur lui à la Tribune de l'UNESCO de 1982. Cette œuvre qui atteint ce fragile équilibre entre rigueur et épanchement est une réussite de fraîcheur qu'on retrouve différemment dans Linea d'ombra (1981) pour clarinette, flûte, percussion et guitare où les quatre instruments tendent à n'en plus former qu'un seul, hybride. La complexité croissante des œuvres des années 1980 aboutit au très remarquable Kraft (1985) pour cinq solistes et orchestre et à Ur (1986) pour cinq instruments et électronique, deux aspects d'une même série de préoccupations. Parmi les ouvrages pour un petit nombre d'instrument, Lindberg a payé son tribut au remarquable clarinettiste Kari Kriikku en écrivant l'abrupt Ablauf (1983/88). La trilogie Kinetics (1988-89), Marea (1989-90) et Joy (1989-90) représente peut-être une période de maturité et de maîtrise technique, même si on note parfois dans Joy - où domine une recherche de spacialisation par le rythme et le son - un déséquilibre de la forme, quand la jouissance née du plaisir d'un « geste musical » ou de l'accélération de l'événement devenu fulgurance par la grâce de l'électronique en temps réel, prend le pas sur l'architecture générale et que la gestion du temps musical se relâche. Après ces éclats, le style de Lindberg a continué d'évoluer, Aura et Away - In memoriam Witold Lutoslawski (1993-94) œuvres fortes, d'une grande richesse sonore et rythmique se situent dans la même trajectoire mais avec une plus grande maîtrise formelle, la seconde, dans sa brièveté même (par sa brièveté peut-être, elle dure à peine 5 mn.) atteint une certaine perfection. Cette remarque attire l'attention sur les œuvres de petite forme de Lindberg qui expriment une grande sensibilité dépouillée de certains masques orchestraux ou électroniques (Metal works pour accordéon et percussions - 1985, Ablauf - pour clarinettes et percussions - 1983, Ground pour clavecin - 1985, Stroke pour violoncelle - 1984, Twine pour piano - 1988, Jeux d'anches - 1989-90, Moto pour violoncelle et piano - 1988-90, Steamboat Bill jr pour clarinette et violoncelle - 1990). Coyote blues après Corrente (1992) représente son dernier tournant stylistique qui aboutit à Arena 2 (1996). Dans ces dernières œuvres, le langage s'est épuré voire simplifié, et les références motiviques se sont accrues. Ces motifs peuvent être horizontaux, verticaux, transversaux ou cellulaires et ils peuvent prendre la forme d'ostinatos ou se dérouler sur certaines échelles de notes. Certaines consonances apparaissent même sans qu'on puisse parler de métatonalité. Le fond virtuose et les phrases à angles aigus existent encore mais la tendance mélodique prend de plus en plus d'importance.
Avec Saariaho, Sallinen et à un degré moindre Rautavaara, Lindberg est le plus connu des compositeurs finlandais à l'étranger. Une position que conforte le festival Musica de Strasbourg à l'automne 1997 consacré à l'essentiel de son œuvre qui lui vaut des articles élogieux dans la presse française. Plus important encore, son attitude aussi bien de créateur que d'animateur de l'ensemble Toimii peut laisser supposer - faisons pour une seule et unique fois un pari sur l'avenir - que Lindberg occupera bientôt dans la vie musicale finlandaise (et au-delà) la place qu'à tenu pendant une trentaine d'année Paavo Heininen. Mais à sa manière. Pas comme un continuateur de la « méthode » Heininen, mais avec un autre genre de rigueur, comme un éveilleur de talents et d'esprits. La situation n'est plus la même, la route a été ouverte, il faut récolter les fruits. Avec autant de soins qu'on a mis à surveiller l'éclosion des fleurs.
Lindberg a reçu en 1988 le Prix Koussevitzky pour Kraft et le Prix Italia la même année pour son œuvre radiophonique Faust.
Salonen Esa-Pekka 1958
Esa Pekka Salonen a en commun avec Lindberg la complexité d'un langage et d'une technique qu'il maîtrise avec autant de brio. Élève de Rautavaara il a également suivi les cours de Franco Donatoni et de Niccolò Castiglioni. On peut regretter que sa carrière de compositeur soit relativement éclipsée par celle de chef d'orchestre car il ne manque pas d'arguments dans ce domaine. C'est en 1981 (rév. 1983) qu'il écrit son concerto pour saxophone et orchestre qui révèle un véritable compositeur dont la qualité principale est la clarté du langage et de la conception et dont le sens de l'effet est indéniable. Virtuosité et humour sont deux autres qualités qui apparaissent dans cette œuvre. La précision d'écriture est confirmée par Giro (1981) pour orchestre. Baalal (1982) œuvre radiophonique fut remarquée par le jury de la Tribune Internationale de l'UNESCO tandis que la série instrumentale Yta 1-2-3 (1982, 1985, 1987) révèle une étonnante forme d'impressionnisme avec des moyens d'aujourd'hui, notamment virtuoses. En 1984, on découvre le second degré de Meeting, pour clarinette et clavecin. En 1992, la deuxième œuvre qu'il présente à la Tribune de l'UNESCO, la très virtuose et humoristique Floof (1988) pour soprano et orchestre de chambre, est sélectionnée par le jury. Cette même année, il donne Mimo (pour hautbois et orchestre) qui ne cache pas sa filiation debussyste, même si la beauté sonore de l'ouvrage semble parfois laisser la place au « beau geste » pour lui-même.
Le Festival d'Aix-en-Provence lui a commandé une œuvre lyrique pour l'année 2001, la même année que Salzbourg à Kaija Saariaho.

à la maison
Mais en Finlande, même si cela peut aider, nul n'a besoin de s'expatrier pour devenir prophète en son pays et il y a des personnalités particulièrement intéressantes qui n'ont pas suivi le même parcours que Lindberg, Saariaho et Salonen et qui pourtant bénéficient d'une écoute et d'un soutien tout aussi attentifs, au moins dans leur pays et dans l'ensemble des pays nordiques..

Hämeenniemi Eero 1951
Eero Hämeenniemi est un ancien élève d'Heininen et il s'est perfectionné en Pologne avec Boguslaw Schaeffer, Franco Donatoni en Italie et Joseph Schwanter aux États-Unis. Parti du dodécaphonisme, il revient vite, dans les années 1980, à un langage plus traditionnel. Comme presque tous les compositeurs de sa génération, Hämeenniemi parle de sa musique. Contrairement à certains, il le fait bien. Il plaide pour une continuité de la tradition qu'il ne considère pas avec une attitude conservatrice mais comme un processus qui évolue continuellement. La première œuvre qui va dans ce sens s'intitule Vain maa ja vuoret (…Seulement la terre et les montagnes - 1981). Au contact de toutes les avant-gardes européennes et du milieu américain ô combien différent, Hämeenniemi fait un choix esthétique propre qui sort des sentiers battus. Sa 1e symphonie (1983) est remarquable et a été remarquée tout comme la 2e (1988). C'est une vraie musique de symphoniste qui aime et fait sonner l'orchestre et qui use de phrases amples et d'un tissu harmonique riche. Si son ballet de 1986 :  Loviisa n'attire pas la même attention musicale ses rares incursions dans le domaine de la musique de chambre nous offrent la belle sonate pour clarinette et piano de 1984 et un quatuor, Grac (1996), tendu et agressif. Depuis 1990 il semble s'éloigner des chemins trop fréquentés pour écrire des œuvres de jazz (From a Book I Haven't Read, From Navarasa, 1993 et The Nada Project - 1994) ou qui intègrent des traditions extra-européennes (Darshan - 1990, Nattuvanar pour chœur d'hommes - 1993 et Lintu ja tuuli - 1993, pour soprano, cordes et deux danseurs religieux, toutes œuvres inspirées par les traditions des Indes). Écrit en 1982-83, le Concerto pour violon semble avoir une facture plus traditionnelle, dans l'esprit des symphonies et présentant une belle dramaturgie dans l'affrontement et le dialogue entre le soliste et l'orchestre.

Kaipainen Jouni 1956
Jouni Kaipainen qui a été l'élève d'Aulis Sallinen puis de Paavo Heininen a suivi une trajectoire en certains points comparable à celles de Lindberg et d'Hämeenniemi. Ses réussites de ses années d'études et de celles qui les ont immédiatement suivies ont été confirmées par d'indéniables succès dans son pays et dans les pays scandinaves notamment au cours de l'été et de l'automne 1997. Parallèlement à la réussite initiale de Lindberg avec …de Tartufe, je crois, les Trois morceaux de l'aube (1981) pour violoncelle et piano révélèrent un compositeur sensible et raffiné, dont certaines tendances impressionnistes sont enrichies par une conduite formelle extraordinairement maîtrisée chez quelqu'un de son âge. Un an plus tôt, les Cinq poèmes de René Char (1980) pour soprano et orchestre, avaient prouvé que le langage expressionniste issu de la musique d'Alban Berg n'était pas déplacé sous la plume d'un compositeur de la fin du siècle. Plus tôt encore, Ladders to fire op. 14 (d'après une œuvre d'Anaïs Nin dont le titre français est Miroirs dans le jardin - 1979) pour deux pianos, avait déjà montré que, encore élève, Kaipainen possédait une vraie personnalité créatrice. La période suivante allait voir Kaipainen se consacrer à la musique de chambre avec notamment trois quatuors à cordes et surtout Je chante la chaleur désespérée (1981) une réussite pianistique dans la tradition ravélienne. En 1980-85 il donne sa 1e symphonie en un mouvement. Ce retour à la tradition symphonique passe par une 2e symphonie (1993) puis par un poème symphonique (Sisyfoksen uni Le Rêve de Sisyphe - 1994) avant une série de trois concertos pour clarinette (Carpe diem - 1990), hautbois (1994) et saxophone (Vernal Concerto, from Equinox to Solstice). En 1989, Kaipainen renoue avec la mélodie et écrit une suite pour soprano, cordes graves, percussion et piano Stjärnnatten op. 35 sur les magnifiques poèmes d'Edith Södergran. Toutes ces dernières œuvres portent en puissance des germes néoclassiques mélangés à une grande richesse sonore postromantique et expressionniste. En 1992 l'Antiphona SATB op. 40 pour chœur mixte montre le compositeur sous un aspect un peu inhabituel avec une double référence aux polyphonistes profanes puis religieux français et italiens du XVIe siècle.

Kortekangas Olli 1955
Olli Kortekangas est peut-être le moins connu à l'étranger des compositeurs que nous venons d'évoquer. Pourtant l'audition d'Ökologie fit plus qu'intéresser les membres du jury de la Tribune de l'Unesco auquel je participais cette année là. La personnalité était affirmée, la composition était originale, la technique efficace et il est difficile de dire ce qui manqua pour que l'œuvre ait été primée. Élève de Rautavaara puis de Dieter Schnebel à Berlin, Kortekangas manque peut-être de ce laisser-aller sensible nécessaire, qu'une pudeur intempestive transforme en autocritique et en ironie. Les mélomanes n'aiment pas qu'on sourie, même de soi, car ils ont trop peur qu'on se moque d'eux. Alors comment donner de l'importance à des citations répétées de Finlandia (Threnody pour cor et piano - 1977), à des successions de cadences parfaites (Sonata per organo - 1979) ou à des œuvres qui portent un titre aussi antimusical que Ökologie (I - 1983 et II - 1987). Plus prenantes sont ses œuvres écrites pour le remarquable chœur d'enfants de Tapiola :  MAA (La terre - 1985) utilise des sources diverses comme le Kalevala, la Bible et des poèmes tandis que Memoria (1988-89) est particulièrement émouvant par l'alliance entre les voix enfantines et la gravité de ton des textes. Le Konzertstück pour violoncelle, clarinette et orchestre (1992-93) est une œuvre très construite à l'écriture raffinée. En 1994, l'opéra Joonan kirja (Le Livre de Jonas) a été créé dans la petite salle de l'Opéra National et en 1995 Arabesken der Nacht pour guitare et ensemble, pièce assez méditative, entame un glissement stylistique que prolonge le Concerto pour orgue (1996-97).

Dans une demi lumière
(les enfants d'Heininen d'Aho et d'Hämeeniemi)

Les compositeurs dont les noms suivent n'ont pas encore tous dépassé ce seuil qui permet de franchir une frontière importante, celle qui sépare la reconnaissance professionnelle de ses pairs de celle du « grand public », qui n'est pas encore elle-même la renommée internationale. Parmi eux certains sont proches de ce passage, d'autres trop jeunes ou trop peu productifs doivent encore faire leurs preuves. Je ne chercherai pas à les classer, ni par échelle de valeur (qui aurait d'ailleurs cet orgueil de jouer un tel jeu) ni de style (on sait que celui-ci évolue vite et on a vu de ce qu'il en était avec des compositeurs moins jeunes. Laissons leur le temps de s'affirmer). Les voici par ordre de date de naissance. Pour les commentaires que ce genre d'ouvrage contraint à la brièveté j'ai favorisé les œuvres qui ont bénéficié d'enregistrements discographiques disponibles en France.
Notons que la tendance générale de ces nouvelles générations est soumise à deux influences principales, un constructivisme qui pourrait bien se trouver dans l'enseignement reçu à l'Académie Sibelius (et Paavo Heininen n'y est certainement pas étranger) et une ouverture à de nouvelles influences extérieures notamment celles de compositeurs français comme Gérard Grisey et Tristan Murail. L'influence postsérielle continentale recule et les précédentes personnalités de référence Brian Ferneyhough et Klaus Huber semblent s'éloigner. Par contre, ces toutes dernières années, on peut découvrir dans certaines œuvres des interrogations auxquelles les aînés eux-mêmes ne sont pas insensibles. Le jazz, le rock, la musique de variétés et les musiques extra-européennes ne sont plus très loin, même si on se tourne parfois vers des succédanés de l'un ou de l'autre. On assiste à une remise en question du progrès pour le progrès et il n'est plus ridicule de se référer à certaines valeurs confirmées. Korvat auki ! se renouvelle sans qu'on sache encore bien s'il s'agit d'une nouvelle originalité où si la référence est surtout un clin d'œil commercial au moment ou les multinationales de l'édition papier et sonore font main basse sur le marché national. Bref beaucoup de questions qui intéresseront plus le journaliste et ne font pas encore toujours partie de l'Histoire.
Un dernier mot consacrera un manque que nous essaierons de corriger dans un prochain numéro de Boréales, il concerne la formidable collaboration qui existe entre compositeurs et interprètes en Finlande et qui est encore un cas particulier dans un milieu qu'on connaît plus conservateur ailleurs et  qui continue là à vivre à chaque instant la musique contemporaine, sans pour cela rompre avec le passé. Ces interprètes auraient leur place ici car ils se sont profondément engagés dans la défense de la musique de leurs compatriotes. Depuis Kajanus avec Sibelius, les chefs ont joué un rôle important. Okko Kamu pour Sallinen, Ulf Söderblom pour Heininen, Esa Pekka Salonen pour Lindberg et Saariaho. N'oublions pas non plus quelques-uns des instrumentistes les plus remarqués comme le violoncelliste Anssi Karttunen et son cadet Marko Ylönen, le clarinettiste Kari Kriikku, les pianistes Liisa Pohjola, Jouko Laivuori, Tuija Hakkila, Heini et Jaana Kärkkäinen, les violonistes Hannele Segerstam et Kaija Saarikettu, le saxophoniste Jukka Savijoki et son frère Pekka, guitariste, les accordéonistes Marjut Tynkkynen, Matti et Heidi Rantanen. Si j'ajoute les noms du hautboïste Jorma Valjakka, des flûtistes Mikael Helasvuo et Petri Alanko et du percussionniste Tomas Ferchen, je suis sûr de ne pas avoir réussi à citer la moitié de ces interprètes cocréateurs d'œuvres !

Arho Anneli 1951
Élève de Tiensuu puis d'Huber et Ferneyhough, elle se situe dans la ligne de pensée du premier. Sa volonté de n'écrire que l'essentiel aboutit à une œuvre rare dans tous les sens du terme. Minos (1978) pour clavecin, Once upon a Time (1980) pour quintette à vent et AikAika (Les Temps emboîtés, 1987) pour trois violoncelles font regretter cette autocensure apparente.

Agopov Vladimir 1953
Cet ancien élève d'Aram Khatchatourian et Edison Denisov est né en Arménie et il est arrivé en Finlande en 1978. Il a également travaillé avec Paavo Heininen. Son œuvre, relativement réduite, comprend une sonate pour clarinette et piano (1981), deux quatuors à cordes (1982/89, 1988), un concerto pour violoncelle et orchestre Tres viae (1984). Son deuxième quatuor à cordes, méditatif et un peu statique, favorise les détails et les recherches sonores expressives.

Länsiö Tapani
1953
Ancien élève de Joonas Kokkonen puis de Paavo Heininen, il a fait partie de la première équipe de Korvat auki. Il a peu composé et dirige beaucoup son chœur, écrit sur la musique et enseigne. Il essaie de produire des œuvres très concentrées comme les Trois Mélodies sur des poèmes chinois (1982) pour soprano et piano dont les première et troisième sont d'une remarquable brièveté et presque énigmatiques tandis que la seconde joue sur l'éloignement de la soprano et l'extinction progressive des lumières de scène. Pour les chœurs, Länsiö a composé Trois chorals sur des textes de Wittgenstein (1985), Traum(a) (1988) avec bande magnétique, les très poétiques 17 laulua kesästä (17 chants de l'été, sur des aphorismes de Paavo Haavikko, 1992) et surtout la Missa -85 (1985) pour chœur mixte.

Viitanen Harri 1954
Il se consacre surtout à la musique d'orgue. Élève de Rautavaara puis de Tristan Murail. Son œuvre la plus importante est probablement Firmamentum (1988) écrite pour l'instrument qu'il enseigne à l'Académie Sibelius. Son intérêt pour les chants d'oiseaux le rapproche aussi de Messiaen.

Suilamo Harri 1954
Harri Suilamo est un élève d'Heininen qui se situe dans la même ligne de pensée. C'est l'auteur surtout d'Aiva (1991 pour orchestre). Alors que Synes n'est pas encore entièrement libéré d'idiomatismes modernistes d'écriture, BIAS (pour violoncelle et accordéon), Kotva (1992 pour septuor) et Naala (1993) présentent un compositeur riche en invention de détails et attentif à leur organisation dans le temps.

Nevanlinna Tapio 1954
Élève d'Heininen. On le remarque dès 1984 à la découverte de sa brève Sonate Lasikaktus (Cactus de verre) pour piano dont le classicisme de la toccata initiale est contredit par l'aspect éclaté et postsériel de la partie centrale qui se résout dans une sérénité aux qui se rapproche de l'expressionnisme viennois. Ces trois aspects mis à nu dans cette œuvre de jeunesse se retrouvent dans la majorité des ouvrages postérieurs sans qu'on puisse encore savoir quel sera l'issue du parcours. Comme beaucoup des anciens élèves de ce professeur il ne craint pas la complexité de l'écriture, rythmique et mélodique comme dans Jousipiirros (Croquis pour cordes - 1983) qui use habilement des possibilités expressives et techniques des instruments à cordes, notamment en explorant les effets de glissades et la technique d'archet et Lumikannel, (Kantélé de neige - 1989, pour orchestre). Spin, pour quintette est une pièce particulièrement réussie, fermement construite et aux très belles sonorités et dont l'économie de moyens instrumentaux ne laisse pas supposer l'importante variété de couleurs et le beau traitement du parcours musical d'une grande élasticité, tout comme l'est Lasikirja dont la richesse de timbre, couleur et harmonie reste toujours d'une parfaite lisibilité.

Koskelin Olli 1955
Il a travaillé avec Tiensuu puis Hämeenniemi et s'est fait connaître avec sa Musique pour quatuor à cordes (1981) qui montre une maîtrise remarquable de l'écriture dans une œuvre dont l'esthétique dodécaphonique a pris quelques rides. En 1982, Act I pour violoncelle solo remet les choses en place. Ce long monologue est bien une des œuvres majeures qui ait été écrite en Finlande pour le violoncelle. Imaginative, remarquablement construite, elle trouve un pendant avec Exalté (1985) pour clarinette seule, une pièce bien décrite par son titre. Bien qu'il ait commencé à composer assez tard dans un pays où les chambres d'enfants sont privilégiées, Koskelin a vite atteint une maturité et une sorte de classicisme tempéré par un goût certain pour la qualité harmonique et sonore qu'on retrouve dans les nappes sonores ligetiennes de with flowers… (1987) pour chœurs. Ce goût le conduira plus tard à explorer des domaines proches des tendances spectrales à la mode en France (Échos colorés - 1991, pour clarinette et piano). Dans le domaine de la musique de chambre, il a écrit Tutte le corde (1988) pour guitare et bande magnétique, Courbures (1989) récit méditatif aux intonations parfois debussystes pour piano, …kuin planeetta hiljaa hengittävä (Comme une planète qui respire en silence - 1993, pour orchestre de chambre) dont les harmonies pures, transparentes et statiques (sur une base de quintes) se succèdent et servent de point de départ aux interventions des vents qui donnent peu à peu une vie rythmique dont la légèreté et la précision ont un caractère quasi ravélien. Il y a aussi un concerto pour piano (1994) et un pour clarinette (1995/96) qui se présente comme une longue méditation d'une belle richesse sonore propre à mettre en avant le caractère récitatif du soliste.

Vuori Harri 1957
Élève de Rautavaara, Hämeenniemi et Heininen dont l'influence apparaît dans Kryo (1988) pour piano, il a composé un opéra de chambre Kuin linnun jalanjäljet taivaalla (Comme une empreinte d'oiseau dans le ciel, 1983) et des pièces pour orchestre avec Kri (1988) qui a été son œuvre de fin d'études. Il y a également une belle sensibilité jointe à une grande maîtrise dans Les mouvements interrompus (1991) et Unen ja kuoleman laulut (Chants de rêve et de mort - 1990, pour soprano et ensemble). Mandelsbrot et Š-wüt (1991) ont toutes deux été primées et bien accueillies. On y trouve une intéressante utilisation des procédés spectraux. Vuori possède une authentique personnalité de compositeur, avec une remarquable maîtrise technique de l'orchestre et une belle richesse imaginative. Rarement les nombreux effets musicaux qu'il utilise apparaissent gratuits et sa maîtrise du parcours musical est déjà grande. Son langage s'assortit parfois de références ou d'emprunts qui pourraient faire penser qu'un certain monde tonal n'est parfois pas très éloigné.

Tuomela Tapio 1958
Il a travaillé avec Englund puis Hämeenniemi et enfin Lindberg et Heininen avant d'aller se perfectionner à Vilnius puis à Rochester et Berlin. Son catalogue est déjà important et comprend un opéra de chambre (Korvan tarina, l'Histoire de l'oreille - 1991-93) des pièces instrumentales, vocales et pour orchestre. En 1988-89 il écrit L'Échelle de l'évasion pour ensemble instrumental qui se situe dans la lignée de certains ouvrages de Koskelin. La matière sonore résulte d'un déroulement continu interrompu par des épisodes contrastés et généralement rythmiques, quasi cadentiels ou de type scherzando. La pâte orchestrale est riche et comme chez Lindberg et Koskelin, on note des références harmoniques, ici des superpositions de tierces.

Hakola Kimmo 1958
En 1986, l'exubérant quatuor à cordes de cet ancien élève de Rautavaara et d'Hämeenniemi est retenu par le jury de la Tribune de l'UNESCO, une récompense qui se renouvellera en 1993 avec Capriole pour clarinette basse et violoncelle. La virtuosité instrumentale l'intéresse mais, écrivant lentement des œuvres sujettes à de nombreuses révisions, il compose peu et avec un soin extrême. Dès son premier quatuor, il affirme une personnalité originale. Il privilégie dans cette œuvre un dramatisme musical étroitement lié au parcours formel de l'ouvrage qu'on peut considérer comme linéaire. Il a mis six ans pour produire un concerto fleuve pour piano et orchestre de près d'une heure qui a été l'événement du Festival d'Helsinki 1996. L'œuvre est monumentale dans sa conception de chacone avec un piano virtuose qui lutte contre un orchestre souvent exaspéré. L'utilisation de longues mélodies, d'échelles ascendantes et descendantes répétées, d'effets orchestraux massifs, de marches harmoniques et rythmiques, d'interventions étranges aussi bien par des références musicales que des sonorités curieuses (avec un intéressant emploi du synthétiseur) donnent à l'ouvrage une atmosphère pour le moins originale et un résultat qui tend vers le gigantisme. Hakola se montre souvent excessif voire extrémiste et sa musique s'exprime parfois avec un délire sonore saisissant.
Le festival de Kuhmo a créé en juillet 1997 son 2e quatuor à cordes.

Nevonmaa Kimmo 1960-96
Élève d'Aho auteur d'un quatuor à cordes (1990), de Dolor nascens et efluens (1991-92, pour cordes, harpe et percussions) et de Lux intima pour orchestre de chambre.

Nuorvala Juhani 1961
Élève de Hämeenniemi et David del Tredici, il a suivi des cours avec Gérard Grisey, Luigi Nono, Magnus Lindberg et Tristan Murail. Tôt intéressé par les alliages sonores et les timbres (Glissements progressifs du plaisir - 1987, pour orchestre de chambre après Échos et vibrations - 1985 et les post viennoises Bagatelles pour piano - 1987) il se tourne un instant vers les techniques spectrales (Pinta ja säe, Surface et vers - 1990-91, pour orchestre) puis il évolue ensuite vers une sorte de minimalisme qui emprunte aux musiques de jazz et de variétés (Dancescapes - 1992, pour quatuor à cordes) et qui se renforce avec Notturno urbano (1996).

Linjama Jyrki 1962
Élève de Rautavaara, auteur d'un Aufschwung (1985) pour violoncelle et piano, d'une Élégie tourmentée et expressionniste pour cordes (1987) et de deux concertos pour violon et orchestre (1989, 1991). En 1992 il écrit, à la demande de la violoniste Kaija Saarikettu une intéressante méditation pour le violon Omaggio. Son Pas de deux pour orchestre est une œuvre prometteuse.

Pohjannoro Hannu 1963
Élève d'Aho, Rautavaara et Heininen, il est l'auteur d'œuvres de musique de chambre comme valo jäätynyt, kaukana tuuli (lumière glacée, vent lointain - 1994-95) et d'un intéressant nonette qui part du pointillisme pour se structurer ensuite avec une expression parfois heininienne :  eilisen linnut (les oiseaux d'hier - 1993-94) qui bien que dans une lignée postsérielle joue sur des interrogations nées d'un jeu entre les degrés selon des principes d'éloignement qui semblent inspirés par de lointains souvenirs de relations tonales.

Trbojevic Jovanka 1963
Née en Serbie, elle se fixe en Finlande et travaille avec Eero Hämeenniemi puis Paavo Heininen. Sous un abord parfois agressif qui utilise notamment des trémolos, glissandos et un jeu instrumental parfois non académique (ORO, quatuor à cordes - 1993-94), elle allie - un peu à la manière d'Hämeenniemi - un matériau parfois issu des musiques populaires et parvient bien à créer une atmosphère évocatrice et nostalgique (Zuti put, La route jaune - 1996, pour dixtuor).

Koskinen Jukka 1965
Il a travaillé avec Rautavaara et Aho puis a suivi les cours de Donatoni. Lauréat du concours de la Tribune de l'UNESCO pour les compositeurs de moins de trente ans en 1987 avec un quatuor à cordes de quatre minutes d'une grande violence qui est une sorte de mini-bréviaire de l'utilisation du bruit en musique et traite souvent les instruments à cordes d'une manière non conventionnelle. Son style se modifie ensuite et il s'intéresse aux champs sonores (Octuor, 1993). L'importance du détail, microrythmes et micro-intervalles apparaît avec encore plus d'évidence dans Ululation (1994, pour 12 instruments) qui traite la musique comme une longue coulée sonore qui glisse continuellement et se modifie graduellement.

PuumalaVeli-Matti 1965
Élève de Heininen, Puumala qui - comme tant de compositeurs de sa génération - a également enrichi sa carte de visite de nombreux noms de référence comme Grisey, Lindberg, Donatoni et Huber, se considère comme un moderniste à un moment où beaucoup de jeunes compositeurs remettent en question une attitude qui s'est développée plus particulièrement après-guerre. Son modernisme n'implique pas de rupture avec un passé qui vient de l'École de Vienne mais n'ignore ni Ligeti, ni Stockhausen, ni Lutoslawski. En 1989, il écrit Scroscio puis Verso, deux pièces qui semblent préparer Tutta via (1992-93, pour orchestre), une œuvre enthousiaste qui se complaît encore un peu trop dans le plaisir de l'excès sonore. Ghirlande (1992, pour ensemble instrumental) est une autre de ses œuvres importantes et dans Kaarre II (Courbe II - 1992-93, pour danseur, clarinette et électronique) il écrit une partition très brillante et virtuose.

Pohjola Seppo 1965
Élève d'Heininen et de Jokinen. Sa musique ne semble pas encore dégagée d'influences diverses. Daimonien (1994, pour orchestre de chambre) montre une belle vitalité avec ses éclats éruptifs et une imagination certaine.

Kantelinen Tuomas 1969
Il a travaillé avec Hämeenniemi et se présente comme un adepte du fantastique sonore qui recherche l'effet et le trouve. Sa Musiikkia korville (Musique pour les oreilles - 1994) résume bien son attitude actuelle.

Wennäkoski Lotta 1970
Elle a encore peu écrit mais dans Hymni ja salaisuus (Hymne et secret, pour trombone, contrebasse et percussions) et dans Läike (Clapotis, pour piano, clarinette et violon) elle montre une belle fermeté d'écriture et un sens de l'espace sonore et de la maîtrise du temps musical.

Kääriä Jani 1971
Dans un quatuor à cordes de 6 minutes et dans un quintette avec piano Hohto (Éclat) son lyrisme expressionniste fait référence à Janácek, Debussy et même Chausson.

Tallgren Johan 1971
Son œuvre est encore peu importante. …genom det tomma rummet se rattache à une esthétique qui fit fureur autrefois à l'IRCAM et qui appartient aux élèves un peu trop fidèles de Brian Ferneyhough. Écrit en 1996, Asteria apparaît déjà comme plus personnel.

Koskinen Juha T. 1972
Certainement doué, il s'est fait connaître par une pièce orchestrale Eclysis (1994) dans laquelle il fait preuve d'un sens certain de l'atmosphère et montre qu'il sait bien maîtriser les effets orchestraux. Il a également écrit une Suite de Sapho et Suojaton autius pour soprano et ensemble.

Il faudrait bien entendu citer beaucoup d'autres noms, mais faute de pouvoir parler de tous, voici encore Keira Hölttö (1956), élève d'Hämeenniemi et d'Heininen qui a maintenant quitté la Finlande pour la Suède, Oliver Kohlenberg (1957) un ancien élève de Klaus Huber qui a immigré d'Allemagne en 1980. Son œuvre est assez importante mais reste peu diffusée. Elle comprend des opéras (Sina et le cocotier - 1987 et Enfant de Sipirja - 1992-96) des œuvres symphoniques et de musique de chambre. Petri Hiidenkari (1957) élève d'Heininen a écrit Hommage à C. D. (Claude Debussy [N.D.E.] 1985) œuvre imposée au concours Sibelius de violon la même année, une Sonata (1989) pour piano et percussion et La città invisibile pour orchestre. Harri Ahmas (1957) est l'auteur de Becket (1993), d'un concerto pour tuba et cordes (1993) et d'un autre pour basson. Ari Vakkilainen (1959), élève de Rautavaara, Hämeenniemi et Heininen et auteur d'un opéra de chambre Lätäkkö (1988). Markus Fagerudd (1961) musicien compétent auteur d'œuvres radiophoniques et pour le théâtre, Mikko Kervinen (1961) qui a une œuvre sensible et rare (Plain -1993, pour orchestre), Vesa Valkama (1963) un autodidacte auteur de deux concertos pour violoncelle et d'un pour flûte, Patrick Vidjeskog (1964) qui a donné une Sinfonietta pour cordes (1994-95), Osmo Tapio Räihälä (1964) qui a eu en 1996 son premier concert biographique à Helsinki, Peter Peitsalo (1970) auteur d'Invocations pour mezzo-soprano et orchestre de chambre et de 3 Poèmes de William Blake pour chœurs, Joonas Pohjonen (1973) qui a écrit une Ciaccona per cinque, et que les autres me pardonnent (Johanna Matikainen, Timo Laiho (Triple-Duo, 1992) Tomi Kärkkäinen, Dei Ping Qin, etc.). On les retrouvera certainement dans une prochaine édition avec ceux dont je n'ai pas eu connaissance (qu'ils me pardonnent).

ENVOI

Il n'est peut-être plus nécessaire de terminer cet ouvrage en citant de nouveau notre voyageur du siècle dernier (Paul Viardot, voir page 21). Du moins c'est ce que nous nous espérons après que  nous nous sommes efforcés de vous faire mieux connaître la création finlandaise au cours de ces quelques pages. Tout au plus les derniers noms retenus (et ceux que j'ai oubliés) viendront-ils peut-être un jour compléter le panthéon des compositeurs non seulement finlandais mais celui plus universel de cette civilisation dite occidentale qui aborde le XXIe siècle dans de bien médiocres conditions. Plus que jamais, l'avenir de la musique `savante' est entre les mains des politiques et il semble qu'on ne doive plus guère attendre beaucoup de bienfaits de la part des `médiateurs' et autres marchands du temple.
Il n'y aura dans ce numéro ni discographie, ni bibliographie. Pas même de proposition raisonnée ou sélective. Les conditions ont beaucoup changé depuis notre dernier ouvrage et il est temps que vous franchissiez seul le pas suivant qui consiste à aller maintenant au devant de ces musiciens.
les auteurs.

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 Copyright Boréales, Anja et Henri-Claude Fantapié - 1997